Je suis allé à un « food club » à Chorlton-cum-Hardy, Manchester. Rien de bien formel, en fait, nous étions invités à manger chez Jeanne, qui avait elle-même invité mon ami Yuri à cuisiner. Enfin, c’est ce que l’on nous avait dit. On nous avait aussi garanti un repas végétarien, ce qui n’était pas pour m’emballer, évidemment. Dans l’après-midi, alors que je faisais vibrer mes poumons pour un autre bon ami, Pierre, musicien, et parisien expatrié à Londres qui conserve en toutes occasions un détachement mélancolique, on nous informait que, d’une part, le repas ne serait pas végétarien, j’exultais, et que, d’autre part, il fallait que chaque invité amenât un plat cuisiné ou à cuisiner. Je refusais aussitôt. Une invitation qui se transforme en participation inopinée, non merci.
Nous hésitâmes, puis, sur les coups de neuf heures, nous y débarquions. J’arrivai pour ma part les mains vides, mais cela passa inaperçu tant il y avait de nourriture. Nous avions une heure de retard, mais les premiers plats n’avaient pas encore été servis. C’était donc parfait. L’enchaînement progressif des efforts de chacun, une vingtaine de personnes ce soir là, permet au gourmet de se délecter bouchées par bouchées, et de goûter un mini-gueleton populaire, gratis. J’ai retenu dans l’ordre, sans les détails exacts de tous les plats, des crevettes dans une sauce piquante, une salade de riz tiède, un couscous tiède aux mangetouts champignons et poivrons, une salade aux artichauts, avocat et tomates cerise, un strogonoff ou stroganoff de dinde, curieux, une paëlla, de la bruschetta aux tomates séchées et halumi, des aubergines en forme de pyramides comprenant des poivrons, de l’halumi et du basilic, des scones aux oignons, fromage et poivre de cayenne, et enfin, du « monkfish », de la lotte grillée, absolument délicieuse.
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