Il semble que j’aie perdu mon brouillon. C’est bien embêtant. Je n’avais pas écrit grand-chose, mais maintenant, l’aventure remonte à plus d’un mois. C’était alors encore tendre dans mon esprit, la descente le long de Duke Street, le quelque peu pénible chemin le long des travaux énormes qui doivent préparer le centre ville de Liverpool pour ses célébrations de l’année de prochaine, huit cents ans d’histoire, avec le blason de « ville européenne de la culture », ça se fête.
J’avais écrit une longue description de cette ballade urbaine, m’attachant au pittoresque chemin le long de la cathédrale, aux vestiges d’une activité portuaire depuis bien longtemps rabougrie, à la poussière flottant au dessous des grues, aux voitures fusant sur l’asphalte ancien. Bref, au bout du compte, nous abordâmes le Mac Donald esseulé le long de Chaloner Street. J’entrai, plein d’aplomb – il le fallait –, il n’y avait pas grand monde, je m’avançai vers les teenagers piaffant derrière le comptoir, et, histoire d’assurer mes arrières, je demandai si Mac Donald accepte le paiement par carte bancaire : « no », merde. Et bien j’avoue que je n’en reviens toujours pas, mais bon, sur l’instant, je restai de marbre, et je m’enquerrai, en haussant peut-être un sourcil pour marquer ma désapprobation, du point le plus proche pour pallier à cette désagréable situation : c'est-à-dire qu’après cette longue marche, nous avions faim, dans le fumet synthétique du restaurant rapide. L’une me dit en tendant un bras, par ici, l’autre le sien, par là, ça devenait sympathique. J’essayai bien d’en savoir plus, mais c’était peine perdue, il n’y avait qu’à marcher. Je décidai – je m’efforce toujours dans les marches d’obtenir une position exécutive – que nous irions à gauche, soit dans la direction de l’aéroport. Nous gagnions bientôt un casino. On me conseilla de rentrer dans le casino, un peu minable pour être honnête, et je faisais mine de ne rien entendre, alerté par les barrières d’entrée que je devinai à l’intérieur du hall – c’est dire le standing de la chose. Peu après, nous arrivâmes, moi en tête, à une station service, où, bonheur, se trouvait un distributeur. Des brigands ! Il me fallut payer deux livres, 5 euros, 30 francs, pour retirer mon modeste billet. Une ponction au tiers, on m’étrangle pour un sandwich ! Quoiqu’il en soit, je pouvais désormais songer sereinement à mon péché. Si sereinement, que nous prîmes le temps de voir une petite exposition dans un espace de notre connaissance, qui se trouve donc dans ce vide de circulation, un lieu où nous étions venus une fois par le passé, pour une jolie exposition d’une photographe présentant de beaux portraits d’immigrants plus ou moins désemparés, venant d’Irak, du Darfour, de mille lieux plus dangereux les uns que les autres, et où le buffet reste à ce jour mon must dans la catégorie, préparé je pense par la famille de la photographe, qui à mon avis devait être pakistanaise : cuisses de poulet mariné, samosas, salades, petites boulettes de je ne sais pas trop quoi, vin et tutti quanti. Mais bon là le vernissage avait eu lieu la veille, et la grande pièce ressemblait plus à un chantier, avec juste le DJ qui rangeait ses CDs. Donc, nous ne nous attardâmes pas, et bientôt je renouvelai mon entrée dans le MacDonald.
Et cette fois je n’hésitai pas, un Big Mac, une frite, un coca, et un apple pie, le dessert inimitable de la branche, une sorte de sucrerie pleine de graisse dont je raffole. Grand prince, c’était moi qui offrait. Malheureusement, mon invitée était végétarienne. Il n’y a pas beaucoup de choix pour les végétariens chez MacDonald. Il y a juste un sandwich aux légumes, et apparemment, il n'est pas bon. Mais là n’était pas la question, en deux secondes j’avalai mon Big Mac, le même qu’à Paris, qu’à Bratislava, le même qu’à Moscou sans doute. Et en sirotant mon coca, en léchant mon apple pie crevassé, je contemplai l’alibi de notre visite, les photographies des Beatles séjournant à Goa, prises par un obscur voyageur canadien.
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