mercredi 28 mars 2007

Doux pays de mon enfance

Je suis retourné cinq jours en France, ce mois de mars, pour enregistrer l’album Vesdge 2007. J’ai pris un avion le mardi soir à l’aéroport John Lennon, après ma journée de travail. Avant de monter dans l’avion, ma passe de labeur terminée et m’embarquant dans un engin potentiellement mortel, je n’ai pas hésité, à vrai dire c’était bien prémédité comme pour toutes mes actions limite moralement, et je me suis assis face à la Mersey, au devant des pistes étroites du petit aéroport, et j’ai attaqué à pleine dents mon double hamburger bacon que j’avais préféré ce semestre au classique whooper with cheese, dans un esprit d’aventure et de renouveau, et pour garder le contact avec la production Burger King malheureusement disparue des terres françaises depuis quelques années. Je suis un adepte de Burger King en transit, quand l’excuse est facile et que je suis tout seul, au hasard des gares, dont je ne recommande à personne les comptoirs express souvent par trop expéditifs, viande tiède, sandwich désordonné, et les aéroports, aux clientèles plus aisée, aux hamburgers plus attentionnés.
Je suis arrivé bien tard à Rueil-Malmaison. On m’a assis derrière la table de la cuisine, face à la fenêtre obscure, à un large plateau de fromage et un peu de jambon Serrano. Le lendemain midi, nous mangeâmes à nouveau du fromage, avec de la salade. Le soir, paupiette de veau à la niçoise. Jeudi, je me levai pour accueillir Vincent, la la la, avec mes bénédictions pour ma voisine supérieure, et fin prêt, nous rejoignîmes Marthe dans une petite brasserie de Nanterre dont le nom m’échappe. Sans grande allure de l’extérieur, on pénètre cependant aussitôt dans un intérieur qui m’apparût feutré, une lumière tamisée, les cadres locaux sans trop d’argent au cou nombreux et volubiles ; il faisait beau. Afin d’éviter que je ne prenne exactement le même menu que mon ami, j’optai pour une assiette de crudité – plutôt que le feuilleté aux légumes – que j’eus toutes les peines à terminer tant je m’entraînais dans une inutile explication de mes obsessions historiques pour aboutir enfin sur une basse côte servie avec des frites, et un peu de salade bien sûr, quel plaisir que la brasserie… Tout cela était accompagné d’une bouteille de Buzet, 11 euros, mon Dieu pourquoi diable tiens-je tant à vivre dans un pays où le vin est inabordable ? Et pour finir, les hommes courageux, et mieux servis par leur appétit carnassier, finirent joliment par un chou à la crème, le petit café à ses bottes. Pour nous repentir, six heures durant, nous répétâmes. Mais je fus récompensé le soir par un passage dans le restaurant chinois de la place des arts, au standing toujours aussi douteux.
Le lendemain, nous étions chez Matthieu, après un petit café boulevard Voltaire, « non mais Gab, t’as pas besoin de commander un ‘expresso’, ça s’appelle un café dans ce pays ». Dans l’après midi, Matthieu, le mangeur de viandox qui semble ne pas s’être remis du je ne mange plus de viande de la belle époque, nous improvisa un délicieux petit plat de soja en sauce tomate, goûtu, impressionnant de maîtrise végétarienne. Le soir, kebab en duo vesdgien, pas le meilleur de Paris. Samedi, pas de repas de midi, et arrivée tardive à Rueil, pour profiter magnifiquement d’un rôti de bœuf en strates aux échalotes ; je me suis resservi trois fois. Dimanche à une heure, j’étais à tesco.

mardi 20 mars 2007

Méditerranée, Méditerranée, Newcastle.

Le café restaurant de Northern Stage, une compagnie de production théâtrale dont les locaux et les scènes jouxtent les bâtiments distingués de l’université de Newcastle, vient de réouvrir à l’étage plutôt qu’au dessous, là où il demeurait auparavant, soit de plain pied sur la promenade menant à l’arche d’entrée de l’université qui se trouve en fait quelque peu en hauteur par rapport à la grande route que quelqu’un a finement jugé bon de construire il y a une quarantaine d’années, et qui va longer en bifurquant radicalement sur la gauche à une cinquantaine de mètre Haymarket et la pointe élevée de la rue commerciale, piétonne comme il se doit. J’ai vu deux spectacles en ces lieux : un concert de jazz il y a peut-être quinze ans, j’en ai un souvenir très vague, un orchestre, sunny side of the street, et puis Cat on a Hot Tin roof, à l’époque où ma cousine Katy finissait ses études de médecine. Par ailleurs, j’y ai déjeuné par le passé, avant le longuet remodelage, une fois, je ne sais plus ce que je mangeai, accompagné d’un verre de vin, à midi.
Mais nous y sommes retourné vendredi dernier. C’était plein, nous avons hérité du sofa d’attente. J’ai commandé un large verre de vin rouge, c'est-à-dire un pichet dans un verre, et nous avons pu constater que le menu propose désormais des tapas. C’est une sorte de bar espagnol, mais anglais.
Inspiré, j’ai évité le menu, et opté pour un des plats du jour, lamb kofta with pita and salad. Cinq livres. Notez, ce n’est pas moi qui payais, et j’ai pris ce qu’il y avait de plus cher au menu : c’est des tapas, donc, il suffit de choisir dans le menu, comme mon père, une assiette de chorizo, et puis un peu de pain, pour se retrouver avec rien à bouffer, une note hypertrophiante, du moins potentiellement, si vous avez vraiment faim, ce qui n’est pas le cas de Gee senior qui mange très peu à midi, pour des raisons obscures, « la cantine de l’université est infâme » « je n’ai pas le temps », ce qui pourrait me porter à interroger mes propres raisons pour, du moins par le passé, même si je ne peux m’empêcher de cultiver l’habitude, esquiver totalement le repas de midi, ce qui impliquait, puisque je n’avale jamais rien le matin sinon un café ou une théière, sauf dans les rares occasions ou j’avale les saucisses le boudin noir les toasts l’œuf les baked beans et la tomate trop cuite, une série de vingt-quatre heures quotidienne sans manger.. Je me souviens à ce propos d’un désir de carême étendu, un mois sans manger, de quoi attraper le scorbut…
Mais lorsqu’il fait beau, que je suis dans la peau du visiteur touristique professionnel, et oui, et bien je me laisse facilement tenter, et je choisis cette belle assiette, contenant deux koftas, surmontés de crème, quatre pitas, et une salade qui a tout pour me plaire parce qu’elle contient beaucoup d’oignions crus. En vérité, il n’y avait pas quoi faire un banquet, mais sans doute le soleil aidant, j’ai mis une éternité à finir ce plat de la mouvance méditerranéenne britannique.

mercredi 7 mars 2007

L'importation de soleil

L’importation de soleil

Il est indéniable que le temps est bien meilleur à Liverpool qu’à Manchester. Les nuages ayant traversé l’Irlande, galopent rapides à l’intérieur des terres, s’effaçant des côtes à intervalles irréguliers pour rejoindre le bas du Peak district, la plaine mancunienne où ils s’arrêtent alors contents, bas sur les toits. Néanmoins, force est de constater qu’entre le climat provençal et le ciel de Liverpool, la différence reste grande. Aussi, pour me rappeler sinon mon pays, celui de ma mère, j’ai conduit avec moi, à l’octobre 2006, un sac bourré d’herbes cueillies au bas des collines, à Sanary-sur-mer, là où les intérêts de l’immobilier ne prévalent pas encore. J’avais pris le vélo de course de mon oncle Gérard. Je n’étais pas monté sur un vélo depuis bien longtemps, je crois que cela remontait à peut-être cinq ans, du côté de Montparnasse, et j’en étais tombé. J’ai donc eu mal aux mollets ; pourtant je ne suis allé ni trop loin, ni trop haut ; et puis j’ai eu mal aux fesses, après. Dans ma belle voiture, la sanaryenne du garage des estivales, j’ai remonté l’Angleterre dans une forte odeur de fenouil. Il n’est pas très beau, parce que c’était déjà la fin du mois de septembre, et cette année là il pleuvait, un peu. Mais il sent bon. Le fenouil, pour ce que j’en sais, accommode avant tout bienheureusement le poisson. Toute ma jeunesse durant, j’ai refusé obstinément, parfois à mes risques et périls, de manger du poisson. Et puis j’en suis revenu. J’ai à ce sujet une théorie, que j’ai relatée à mon invité, qui s’est aussitôt exclamé que ah, le poisson nature avec une simple noix de beurre ou un mince filet d’huile d’olive, c’est ainsi qu’il convient de l’apprêter... On a donc préparé les deux truites que j’avais achetées à Marks & Spencers avec économie. C’était samedi midi. Il y avait même un rayon de soleil. Mon père s’en est occupé, car je ne cuisine jamais de poisson; je garde juste le fenouil au cas où, pour m'y frotter parfois les narines avec volupté.
Dans une poêle, il déposa les deux bêtes, dûment recouvertes et percées de fenouil. Et puis, apparemment dans un geste qui pourrait porter à polémique, on ajouta un demi-verre de vin blanc, sicilien je crois. Et voilà, tout la pièce respirait la mer et le soleil. Au bas de mes fenêtres, je pensais voir la piscine verte, et au-delà les Ambiers, et le phare du Rouveau. Lorsqu’elles furent disposées à être mangées, par une manœuvre rendue délicate par l’absence d’outils appropriés, on fit glisser les truites sur le riz, qu’il s’imbibe de jus, et on ajouta les courgettes, bouillies.
Le lendemain, je remettais ça. J’avais acheté un bout de jambe, celui d’un agneau, à Chorlton, Manchester, et nous le préparâmes à la méthode Malcolm, un grand classique en guise de cuisine familiale, entaillé sous la peau et dans la chair, et là incrusté de morceaux d’ail. Je parsemai mon bout de viande de thym, non le mien qui comme son homologue marin est bon mais quelque peu laid, mais celui que ma grand-mère m'avait donné– ayant pitié sans doute de mes récoltes. Ah j’ai bien mangé. Et puis pour parfaire les choses, nous bûmes du bourgogne, ce qui change du BIG AUSSIE.