mercredi 7 mars 2007

L'importation de soleil

L’importation de soleil

Il est indéniable que le temps est bien meilleur à Liverpool qu’à Manchester. Les nuages ayant traversé l’Irlande, galopent rapides à l’intérieur des terres, s’effaçant des côtes à intervalles irréguliers pour rejoindre le bas du Peak district, la plaine mancunienne où ils s’arrêtent alors contents, bas sur les toits. Néanmoins, force est de constater qu’entre le climat provençal et le ciel de Liverpool, la différence reste grande. Aussi, pour me rappeler sinon mon pays, celui de ma mère, j’ai conduit avec moi, à l’octobre 2006, un sac bourré d’herbes cueillies au bas des collines, à Sanary-sur-mer, là où les intérêts de l’immobilier ne prévalent pas encore. J’avais pris le vélo de course de mon oncle Gérard. Je n’étais pas monté sur un vélo depuis bien longtemps, je crois que cela remontait à peut-être cinq ans, du côté de Montparnasse, et j’en étais tombé. J’ai donc eu mal aux mollets ; pourtant je ne suis allé ni trop loin, ni trop haut ; et puis j’ai eu mal aux fesses, après. Dans ma belle voiture, la sanaryenne du garage des estivales, j’ai remonté l’Angleterre dans une forte odeur de fenouil. Il n’est pas très beau, parce que c’était déjà la fin du mois de septembre, et cette année là il pleuvait, un peu. Mais il sent bon. Le fenouil, pour ce que j’en sais, accommode avant tout bienheureusement le poisson. Toute ma jeunesse durant, j’ai refusé obstinément, parfois à mes risques et périls, de manger du poisson. Et puis j’en suis revenu. J’ai à ce sujet une théorie, que j’ai relatée à mon invité, qui s’est aussitôt exclamé que ah, le poisson nature avec une simple noix de beurre ou un mince filet d’huile d’olive, c’est ainsi qu’il convient de l’apprêter... On a donc préparé les deux truites que j’avais achetées à Marks & Spencers avec économie. C’était samedi midi. Il y avait même un rayon de soleil. Mon père s’en est occupé, car je ne cuisine jamais de poisson; je garde juste le fenouil au cas où, pour m'y frotter parfois les narines avec volupté.
Dans une poêle, il déposa les deux bêtes, dûment recouvertes et percées de fenouil. Et puis, apparemment dans un geste qui pourrait porter à polémique, on ajouta un demi-verre de vin blanc, sicilien je crois. Et voilà, tout la pièce respirait la mer et le soleil. Au bas de mes fenêtres, je pensais voir la piscine verte, et au-delà les Ambiers, et le phare du Rouveau. Lorsqu’elles furent disposées à être mangées, par une manœuvre rendue délicate par l’absence d’outils appropriés, on fit glisser les truites sur le riz, qu’il s’imbibe de jus, et on ajouta les courgettes, bouillies.
Le lendemain, je remettais ça. J’avais acheté un bout de jambe, celui d’un agneau, à Chorlton, Manchester, et nous le préparâmes à la méthode Malcolm, un grand classique en guise de cuisine familiale, entaillé sous la peau et dans la chair, et là incrusté de morceaux d’ail. Je parsemai mon bout de viande de thym, non le mien qui comme son homologue marin est bon mais quelque peu laid, mais celui que ma grand-mère m'avait donné– ayant pitié sans doute de mes récoltes. Ah j’ai bien mangé. Et puis pour parfaire les choses, nous bûmes du bourgogne, ce qui change du BIG AUSSIE.

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